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La mer du Nord

Un jour j'écrirai sur la mer du Nord
Sur ce petit morceau de bout du monde qui n'en est pas vraiment un
Ces jetées où se couchent ensemble le gris du ciel et celui de la marée
Un jour j'écrirai sur ce bord de terre où les enfants jouent sous les nuages
Sur ce petit morceau de bout du monde qui en est tout de même un petit peu un
Là où j'ai laissé les embruns crayonner mes yeux bleus cendrés
Un jour j'écrirai sur la mer du Nord
Jusqu'à ce que les mystères se rejoignent
En ce bout du monde qui est un petit peu le mien.

Texte rattaché à cette photo et à celles de la mer du Nord prises à La Haye.

Ma fée

Irradie la terre
De tes miaulements solaires,
Fée de fourrure
Féline dans ta parure,
Notre entrechat à l'interstice des sous-bois,
L'armistice en t'effleurant du bout des doigts,
Une dernière fois.

Mélusine.

Fuir

Les petits empires, faits pour s'enfuir sans sourire
Ont la grandeur de se foutre de l'avenir,
Et ne prétendent à rien, si ce n'est enlever la laisse du chien,
Et n'entendent point, sauf le cri du lendemain.

Le Ciel

J'aime le ciel lorsqu'il est changeant parce qu'il te rappelle mes yeux,
Ceux dont tes paroles transformaient mon regard gris en bleu.

J'aime le ciel qui clignote et la pluie qui tombe sur les trottoirs calleux,
Un gyrophare dans mon iris passant les menottes aux mains baladeuses des orgueilleux.

J'aime ce plafond de lumière qui vire au noir et plante son pieux,
Au centre de ma pupille qui se dilate autour d'un bleu camaïeu.

J'aime le ciel lorsqu'il est changeant parce que j'y cherche tes yeux,
Que j'imagine bandés par les nuages qui effleurent mon cœur chatouilleux.

J'aime le ciel qui bouge et les nouvelles lunes aux fesses marquées de nos contentieux,
Ces nuits sans-culottes, leurs révélations furieuses et une petite révolution dans tes yeux.

J'aime le ciel qui se noie dans la mer du nord à midi moins deux,
Que je regarde depuis la grève avec la marque de tes dents sur mon torse anxieux.

Et j'aime même le ciel lorsqu'il a la peau d'un blanc crayeux,
Avec le même horizon que ce dos sur lequel tu me faisais écrire "croque-le monsieur".

Voilà pourquoi j'aime le ciel changeant vu depuis la terre apatride de nos aïeux,
Parce qu'il parle pour nous deux devenus des séditieux,
Parce qu'il dit l'évidence sans nous crever les yeux,
Parce que même dos-à-dos, il continue de nous faire voir en face nos regards malicieux.

Les falaises

Des créatures s'affichent sur mon écran,
Des aventures s'effondrent sur leur séant,
Des postillons s'envolent vers l'océan,
Les falaises ne s'écroulent jamais à temps.

À l'abri des contreforts

C'est l'heure où meurt le jour,
S'instaure une nuit sans velours,
Complotant à l'abri des contreforts de l'amour,
Contemplant les rancœurs qui se restaurent,
Sous des ors vulgaires et la bouche pleine de petits fours.

L'heure du bain

Mes mains sont tendues vers tes rides,
Les miens sont venus pour te le dire,
Bravant le tumulte des rêves éborgnés,
Fermant les yeux des luttes sur le pavé écorché,
Lové dans la félicité de l'alcool,
Percevant les actes manqués qui soupirent sous les alcôves,
Et mon souffle dans le creux de tes seins,
(Le creux de ces petits riens)
Ce téton pointu lacérant la peur du lendemain,
(La peur du destin)
L'érotisme est un beau matin,
(Un beau dessin)
L'amour est un drôle d'homme de main,
(Un drôle de dédain)
Que je me désole de retrouver mort dans son bain.

Félin

J'ai un chtar sur le tarin,
Il ressemble à un carafon de vin,
J'ai piqué un fard devant ton vagin,
Je suis reparti bondir sur la nuit tel un félin.

Le radeau

Et nous faisons l'amour, arrimés l'un à l'autre comme deux naufragés trouvant leur salut dans deux bouts de bois flottants dans la houle. C'était la dérive de nos nuits qu'écrivaient nos ongles s'enfonçant dans nos chairs respectives. C'était la fatigue de vies dissolues qui transpiraient le long de nos peaux, écorces humides. Et nos souffles, aspirant chaque bulle d'air présente dans la bouche de l'autre, avalaient ces mots qui jamais ne sortaient. Au même moment, les lignes de vie de nos mains, filins prêts à craquer de deux existences, se remplissaient de nervures où s'écrivaient cette peur de couler seul.

Incandescence

Les jours s'éteignent
Les mains se peignent
De visages absents
S'y sculptent des regards incandescents

Écrit en me regardant dans un mirroir Guiness, à la tombée de la nuit.

Juge

Je me juge dans le regard d'une femme
Ou dans la nuit noire à l'aube d'un briquet et de sa flamme.

Couleur mer du nord

J'ai les yeux couleur mer du nord avec un poing levé dans la pupille
Je fais des vœux qui bordent le dehors, l'index levé devant les fusils.

Les pions

Rassemble tous tes pions si tu le souhaites mais surtout ne dors pas avec,
Ou sinon la nuit te clouera le bec.

Floraison

En ville fleurissent flingues et roses
Et dans son soleil noir s'abîment nos plus belles causes.

Ma panthère

Reposer en fôret
Là où poussera un arbre,
Son retour à la terre,
Lutter avec les sonnets,
Souffler l'astre
Au détour de ce verre.

Il y a un serpent à sonnette enroulé dans son verbe.
Il y a les demi-tours des vautours,
Et les détours de mon amour imberbe.

Je me souviens de ces naissances à rebours
Dans le silence des carrefours,
Et comme au premier jour de ce cri sans réserve.

Se brûler sur le parapet,
S'écrouler dans le grincement du parquet,
Suspendre sa harpe au paterre,
C'est la nuit qui tatoue la terre,
Et c'est dans mon cœur que s'endorment les panthères.

Spike.

Lucidité

La ville est lucide,
L’avenir est cupide,
Les hommes sont limpides,
Le monde a des rides,
Ses fossettes sont arides,
Et mon verre est vide.

Les fusillés

Ma poésie s'est abîmée dans une mer de mots,
Ma poésie s'est alignée dos à un mur de maux,
Mon amnésie n'est pas ronde comme un zéro,
Mais fusillez, les tombes ne sont pas celles des héros.

Mes vers ne seront pas des martyrs,
Ma terre ne sera pas un empire,
L'air que je respire ne lit pas l'avenir,
L'équerre n'a d'angle que la page cornée d'un livre.

Je n'écris plus.
Toute seule elle se libère la rue.
Je ne crie plus.
Tout seul il se délivre ce rêve traité d'intrus.

J'aime encore, même les voies sans issues.
Je marche encore avec ce bataillon de futurs vaincus,
C'est plus fort que moi, j'aime parfois à mon insu,
Jusqu'à la mort, jusqu'au bout de la péninsule,
Des chants s'échappant des monticules,
Nous ne rendons pas les armes, on s'assoit juste avec le crépuscule.

Plafond

Les ampoules nues pointent leur filament à la gorge de la pudeur,
Et à leur firmament, les pendus déshabillent le ciel avec stupeur.

La rambarde

Sur la corniche, la mélancolie révise ses gammes,
Devant ses yeux ont défilé tous les vacarmes,
Et sur ce balcon où ont chancelé les tempêtes et les orgasmes,
Ce soir, désespérée, la beauté a prévu de se pencher par-dessus la rambarde.

(2013)

La prunelle

La nuit, mon désert de glace où chaque flamme est une fausse promesse.
La nuit, ma petite place, une femme qui s’efface, et un gyrophare dans la prunelle de l’ivresse.

Pas de chance

« - Where are the fellows ?
- I don’t know.
- Where is the black sheep ?
- Near of your lips.
- Is it my soul or my spirit ?
- I don’t give a shit.
- Oh ! And where is the luck ?
- Not with us, she don’t give a fuck. »

33 Tours

Tous ceux qui tombent sur la tête des autres ont couru comme dans un rêve en 33 tours et quelques secondes,
Et on a fait tout ce qu’on a pu mais tout s’est passé comme d’habitude,
C'était la ronde de nuit d’un amour adolescent,
La dernière danse à la frontière des camélias,
Me dirais-tu comment changer le monde d’un singe en hiver ?

Composé à partir de titres de manchettes du mensuel La Terrasse, avril 2013.

Trafic

Le trafic sous un crâne,
L'impatience en cage,
Danse d'avance
De ce voyage avant la nuit,
De cette violence suivante,
Et de l'enchaînement puni.
C'est la tempête en pleine jeunesse,
Qui s'est perdue sur grand écran,
Alors respire les impromptus
de cette remarquable perspective.

Composé à partir de titres de manchettes d'un numéro 2004 du mensuel La Terrasse.

Everyday

Everyday i'm laughin'
Everyday i'm drinkin'
Everyday i'm strugglin'
Where i find time for cryin' ?

Everyday i'm rhymin'
Everyday i'm yellin'
Everyday i'm kicki'n
Where your hears when i'm dyin' ?

Lovin' alone,
No tatoos of skull and bones,
Movin' around,
Sellin' midnight for 20 pounds,
And never knew where you were feelin' good.

Now i'm countin the crows,
I'm sailin' with the crowd,
And i saw so joke with jaws,
That i found the blues under the city toes.

Métropolitain

In the subway,
No Music, no book,
Hooking your way with just a look
Please give me some thoughts

Cul-sec

Sous les gyro' rien n'est chouette,
Si ce n'est le bleu de tes yeux un soir de fête,
Dans la tempête d'un siècle à boire cul-sec.

Nightrain

I take one and i’ll die twice,
If i’ll leave alone, would you give me a price ?
I take another one and i’ll sell my smile,
Now i’ve lost my mind, could you make our night shine ?

Les frottements

Le long des façades mal pansées,
Des âmes s’engouffrent vers des paradis matelassés.
Dans des limbes éclairées par les néons,
Dans des regards aux cicatrices laissées par les félons,
Dans les nuits de velours pourpre,
Résonnent les frottements des douleurs sourdes.

Perdants

Se refaire le film,
Avec ces vérités que l'on se mime,
Dans des rangées de synonymes,
Chercher ces souvenirs qui s'alignent,
Cueillis sur les cimes où les envols s'abîment.

Audrey

I fall asleep on a bench.
Does the vault of the night blench ?
And while i dream of Audrey Hepburn,
Does the world burn ?

Les débris au fond du lit

Il a besoin d’une âme qui brûle de désir,
Qui demande que l’on fasse jouir son empire,
De courbes qui rendent muets, qui effacent les dires,
D’une peau sur lesquelles ses dernières phalanges viendront périr.

Et puis il y a ce soleil qui une seule fois, à son réveil, a récité un sonnet,
Qui secouait dans sa main les lendemains en les faisant tinter comme de la petite monnaie.
Et il y a eu ce graffiti sur le mur, un bref pense-bête,
« Tu me manqueras cet hiver » te disait-il en faisant cligner les paupières des esthètes.

Et enfin il y aura ces débris que tu essaies encore de noyer au fond de ton lit,
Ces envies tombées comme du rêve pilé et venues s’accrocher à tes nuits,
Des verres vides dans lesquels tu guetteras l’oubli,
De tous ces travers auxquels tu n’auras plus rien à reprocher maintenant qu’ils se sont évanouis.

Janvier

Janvier, le soleil avait eu la nausée devant les espoirs engloutis par la rosée.
Janvier, la nuit miaulait, minaudait, au milieu des étoiles dans l’horizon violet.
Quand au petit matin les cernes de jadis apparurent sur le visage des souvenirs,
Quand des veines ouvertes de l’harpiste coulèrent les devenirs,
Les bonheurs passés devinrent une fatigue,
Et en ce matin d’hiver l’on retrouva le cadavre des enchanteurs au pied de la digue.

Alors file tandis que l’emprise des sens hurle au large !
Laissons l’empire et ses vents tourner les pages
De cette histoire ensevelie sous le vol des goélands
Qui emportent dans leur bec les points de suspension déposés par tes amants.

Regarde ! Dans le sillage de leurs ailes bat le pouls de nos errements,
Leur ballet transforme en soupir la flamme du prétendant,
Et autour de nous dansent les animaux savants.

Ècoute le caquètement des timbales !
Écoute le son froid des cymbales qui couvre celui des portes qui claquent !
Que proclamait déjà la diseuse de bonne aventure ?
Et rappelle-moi qui avait été écrire ton prénom sur les devantures ?
Es-tu sûre d’avoir entendu les feuilles froissées dévaler les heures ?
Tends l’oreille ! Le bruissement des ratures de la plume parle à nos peaux qui s’effleurent.